La guérison en tête
Texte paru dans La Presse, 28 octobre 2006
La plupart des personnes qui ont connu des problèmes de santé mentale sont tiraillées lorsqu’elles cherchent à nouveau un emploi. Transparence ou discrétion ? Examen des conséquences des deux options.
Jacinthe Tremblay
L’organisme Accès-Cible SMT (pour santé mentale et travail) offre depuis 1988 des programmes de groupes d’aide à la réinsertion en emploi aux adultes vivant ou ayant vécu des problèmes de santé mentale. Tous ont un grand trou dans leur parcours professionnel. Un trou dont les causes sont, malheureusement, encore tabou.
Lors du démarrage de tout nouveau groupe, le même débat surgit parmi les participants. Certains préfèrent taire cet épisode en se retranchant derrière le droit au respect de la vie privé. D’autres souhaitent aborder franchement le sujet lors de l’entrevue d’embauche.
« Les participants sont répartis à peu près également entre ces deux options. Nous leur parlons des conséquences de chacune mais le choix leur appartient », explique Claude Charbonneau, directeur général d’Accès-Cible SMT.
Cet organisme a constaté que les personnes qui abordent ouvertement le sujet devant un employeur réceptif peuvent souvent compter sur son soutien et sa compréhension au moment de reprendre le collier. « Dans les faits, quelqu’un qui sort d’une période de dépression, d’épuisement ou d’hospitalisation, n’est pas immédiatement aussi performant qu’avant. L’employeur qui a été informé de cette situation en tiendra compte », explique M. Charbonneau.
Par ailleurs, ceux qui camouflent cette réalité risquent de se créer une pression inutile en ayant le sentiment de cacher une faute qui n’en est d’ailleurs pas une. « Nous leur conseillons d’être le plus transparents possible mais nous les invitons surtout à choisir l’option avec laquelle ils se sentent le plus confortable », résume M. Charbonneau.
Dans les deux cas, Accès-Cible leur rappelle qu’ils doivent être le plus honnêtes possible. Pas question de s’inventer un tour du monde, par exemple.
Se taire sans mentir
Grégory Delrue, auteur du livre Comment réussir son entrevue d’embauche, paru récemment aux Éditions Transcontinentales, comprend le dilemme de ces chercheurs d’emploi. « Des employeurs vont apprécier la transparence des personnes qui identifient les causes de leur temps d’arrêt. Par contre, certains concluront qu’ils ont devant eux une personne fragile qui risque de flancher à nouveau », dit-il.
Tout en rappelant que les chercheurs d’emploi ne sont pas obligés de dévoiler une telle information dans leur CV ou en entrevue, M. Delrue voit certains risques à se retrancher derrière le droit au respect de sa vie privée. « L’employeur voit un trou. Si cette absence du marché du travail n’est pas expliquée ou que la raison invoquée est vague, l’employeur va se dire qu’on lui cache quelque chose et il peut imaginer à peu près n’importe quoi », explique-t-il.
Certaines réalités du marché du travail peuvent venir en aide aux personnes qui préfèrent la discrétion. « Plusieurs personnes quittent des emplois en croyant qu’ils pourront rapidement se trouver du travail et se retrouvent dans en chômage pour de longues périodes. C’est la manière la plus simple d’expliquer un long retrait du marché du travail », estime M. Delrue.
Ce professionnel au sein de la firme de recrutement Kerosene conseille aux personnes qui abordent ouvertement leurs moments difficiles de mettre de l’avant leurs efforts pour s’en sortir et leur guérison.
Transformer l’arrêt en atout
« Si la personne désire revenir sur le marché du travail, c’est qu’elle est apte à occuper un emploi. C’est ce qu’elle doit faire valoir en entrevue », affirme Patricia St-Pierre, spécialiste en ressources humaines et en emploi et auteure de Entrevue d’emploi. Conseils, trucs et stratégies publié chez Septembre Éditeur.
« Les gens doivent être très positifs face à cette expérience. Ils ont pris en main leur guérison, ils sont rétablis et sont souvent en meilleure santé physique et mentale que des gens en emploi qui traînent la patte », ajoute-t-elle.
Mme St-Pierre déconseille toutefois de mentionner les raisons de ce trou dans le CV tout comme de faire connaître son diagnostic lors de l’entrevue. « Il faut se préparer à répondre brièvement aux questions sur un tel trou dans la carrière sans donner trop de détails », précise-t-elle.
Mme St-Pierre note enfin que les personnes qui, pendant leur convalescence, ont pris soin de maintenir certaines activités sociales ou intellectuelles, devraient en parler en entrevue. « Les employeurs sont de plus en plus conscients que la maladie mentale peut arriver à n’importe qui. Ils sont d’autant plus en mesure d’apprécier les gens qui l’ont surmonté en se prenant en main », dit-elle.
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