samedi 31 janvier 2009

Notes biographiques? Une affaire de PDG et de vedettes? Que non.

Les notes biographiques - je l'ai compris à l'usage, à l'écriture et parfois à l'usure - sont des petits portraits de nous que nous devons ciseler.

Selon les circonstances, les étapes de notre vie et leur lectorat.

Qui sommes-nous - et qui pouvons et devons nous êtres - pour les participants à une conférence? Pour un employeur potentiel? Pour les lecteurs d'un livre? Pour les membres de réseaux sociaux virtuels? Pour des amis? Des clients? Des publics? Des fournisseurs? Les médias?

Toujours la même personne, mais sous des angles et avec un étalage de réalisations différentes. «Ne jamais mentir. Ne jamais tout dire». C'est ce que j'ai retenu de mes longues années à scruter le monde du travail et la vie en général.

«Never apologize», ai-je aussi retenu d'une merveilleuse professeur d'anglais croisée pendant un cours d'été au Collège Bishop, à Lennoxville.

Tout l'art des notes biographiques est là, je crois.

Et parce qu'il n'est pas facile de traduire ces conseils, j'ai pensé les expliquer au fil des entrées dans ce carnet. J'ai aussi pensé que je pourrais faire oeuvre utile - pour certains d'entre vous, mais aussi pour ma fille et moi qui avons des factures à payer - d'offrir un service de textes-photos de notes biographiques.

Les PDG en ont besoin. Ils doivent en inclure dans leurs rapports annuels. Les vedettes aussi. Nous pouvons faire ça! Aussi. Mais à chaque jour, des personnes regroupées dans la grande catégorie du «commun des mortels» doivent aussi mettre en mots ce qu'ils ont fait, ce qu'ils peuvent faire et ce qu'ils feront. En tentant d'écrire ce qu'ils sont.

C'est à la fois difficile et possible. C'est le propos de ce carnet. Par nos conseils, qui seront offerts par des billets et des liens avec des sites Internet. Et par nos services, que nous vous invitons à utiliser si vous en sentez le besoin.

Et comme les temps sont incertains - au mieux - et durs -, nous espérons faire oeuvre utile.

Jacinthe Tremblay et fille

Beaucoup plus qu'un long voyage

Beaucoup plus qu'un long voyage
Texte paru dans La Presse, le 2 juin 2003

Tremblay, Jacinthe

LES GLOBE-TROTTERS du travail doivent apprendre à vivre avec le dépaysement et l'isolement. Mais attention: le choc culturel du retour est parfois encore plus grand.

Les Chinois ont adopté Michel Maeyens. En 1999, ce géologue à l'emploi de SNC-Lavalin recevait des mains du président de la République populaire de Chine le prestigieux Prix de l'amitié, décerné à 100 des 80 000 étrangers à l'oeuvre au pays.

L'automne dernier, il décidait pourtant de revenir vivre au Québec avec son épouse Ingrid. "Ici, c'est chez nous", dit ce Belge de 52 ans qui a travaillé dans près d'une quinzaine de pays.

Il fait partie de cette confrérie qui a choisi de quitter le métro-boulot-dodo pour aller travailler dans des pays en développement ou en émergence. Philippe Massé, lui, repart en juin pour Ouagadougou pour Oxfam-Québec. Paule Morin, directrice des ressources humaines et des communications de Développement International Desjardins, a travaillé en Tunisie, au Niger et au Sénégal. Vincent Morel, de la direction Afrique d'Oxfam-Québec, a oeuvré plusieurs années en République Centre Africaine et au Bénin.

Qu'ils aient contribué à l'érection de grands projets hydrauliques, comme Michel Maeyens, ou accompagné des femmes dans la création de coopératives de micro-crédit, comme Paule Morin, leurs témoignages se ressemblent.

Aptitudes

Paule Morin participe au recrutement chez Développement international Desjardins. Au-delà des compétences reliées directement à leurs fonctions, elle privilégie les candidats qui ont déjà vécu une ou des expériences d'adaptation. "Il leur sera plus facile de développer un nouveau réseau de contacts", dit-elle.

Autres qualités recherchées: le calme et le sens de l'humour. Elle déconseille également aux gens de partir pour fuir des problèmes personnels. "Les difficultés que nous connaissons ici sont multipliées par 10 à l'étranger, parce que l'environnement n'est pas sécurisant", précise-t-elle.

Vincent Morel, d'Oxfam-Québec, dit qu'il faut avoir une capacité d'écoute, d'observation et de la patience. "Il faut aussi être extrêmement débrouillard", dit-il. Il faut surtout être prêt à vivre éloigné de tout ce qui apporte la sécurité, c'est-à-dire la famille, les amis et les contacts professionnels.

Atterrir

Philippe Massé pense qu'un des mythes qu'il faut chasser avant de partir est de croire que l'on va dans ces pays pour "aider". "Il faut se dire que nous y allons aussi pour apprendre", insiste-t-il.

Dans les pays en développement ou en émergence, il faut revoir ses critères de performance et prévoir une période d'adaptation plus ou moins longue. Michel Maeyens, pourtant un habitué des déracinements, dit qu'il faut au moins de quatre à six mois pour se faire à la culture et à la façon de penser chinoise. "Après un ou deux ans, on finit par se sentir à l'aise", précise-t-il.

Vincent Morel connaît mieux l'Afrique. "Là-bas, nous nous retrouvons dans la peau d'un enfant de cinq ans qui doit apprendre à vivre en société.

"Il faut réapprendre des gestes aussi élémentaires qu'aller à la banque et faire le marché. Il faut enfin être prêt à faire partie de la minorité", prévient-il.

Les couples

Selon Paule Morin, le taux de séparation des couples expatriés est plus élevé, surtout si l'un des deux conjoints ne travaille pas ou n'a pas de projet personnel. "Si le départ n'est pas une décision véritablement commune, ou encore si le couple a déjà des difficultés, les risques de rupture sont grands", dit-elle.

Le couple Ingrid et Michel Maeyens a survécu à plus de 20 ans de déménagements. "Les clients étrangers ont la plupart du temps donné du travail à Ingrid", dit Michel. En Chine, par exemple, elle a enseigné l'anglais à l'université et a pu ainsi mettre sur pied son propre réseau professionnel.

Ingrid a également suivi des cours de peinture chinoise et entrepris, en 1998, l'écriture d'un livre racontant sa vie en Chine. Dans un des chapitres, elle raconte sa joie d'être considérée comme partie prenante de la communauté enseignante. "Pour eux, je ne suis plus seulement Mme Maeyens", écrit-elle.

Certains trouvent l'amour dans leur pays d'adoption temporaire. La copine de Philippe Massé est Burkinabée. Paule Morin a rencontré son mari, un Syrien né au Niger, pendant une mission au Sénégal.

Le travail à l'étranger peut également être une expérience extrêmement stimulante pour les enfants. "Ils peuvent fréquenter des écoles internationales et être très jeunes en contact avec d'autres cultures, notamment celles des autres représentants d'ONG et d'organismes ou entreprises internationales", note Vincent Morel. À l'adolescence, plusieurs jeunes souhaitent toutefois rentrer au pays.

Selon Paule Morin, ces constats s'appliquent tout autant pour les employés du secteur privé qu'aux coopérants des organismes non gouvernementaux. "La seule différence, ce sont les moyens dont ils disposent", dit-elle.

Le choc du retour

Pour Vincent Morel, le choc culturel peut être encore plus grand au retour. Une des grandes difficultés, pour ceux qui avaient quitté leur emploi, est de dénicher un nouveau travail. "Ceux qui sont partis pour de très longues périodes comme 10 ans ont généralement perdu leur réseau de contacts professionnels. De plus, les employeurs ne connaissent pas, et donc ne reconnaissent pas les acquis de cette expérience. Elle est souvent perçue comme un trou dans le CV", explique-t-il.

Certains employeurs croient aussi que ces travailleurs seront incapables de s'ajuster au rythme de travail nord-américain. "Un préjugé assez courant veut que nous ayons perdu le sens de la discipline et que le travail à l'étranger soit mollo. Rien n'est plus faux", dit Paule Morin.

En Chine, Michel Maeyens a maintes fois constaté qu'aux yeux de ses clients et collègues chinois, il était en service 24 heures sur 24, sept jours sur sept. "L'isolement amène souvent les coopérants à travailler sans arrêt", ajoute Vincent Morel.

Ceux qui dénichent un emploi doivent réapprendre à vivre dans un environnement de travail très compartimenté. À l'étranger, la polyvalence est de mise. Autre choc: le travail ici est assez... prévisible. "À l'étranger, nous vivons en accéléré. Nous faisons face à une multitude d'informations, de défis et de découvertes. C'est extrêmement stimulant d'un point de vue professionnel", dit Vincent Morel. Au retour, Paule Morin a même eu peur de s'ennuyer.

Il faut également reconstruire sa vie sociale. Philippe Massé a vécu une période de déstabilisation après deux années passées au Burkina Faso. "Une telle expérience nous change beaucoup et ce n'est qu'au retour qu'on le réalise. On voudrait que le monde autour de nous ait changé autant", témoigne-t-il. Après avoir travaillé pendant deux ans en Afrique sur des enjeux comme les droits de la personne, Philippe a trouvé, par exemple, bien anodins les scandales locaux étalés dans nos médias.

En rentrant au bercail, plusieurs souhaitent que leurs parents et amis s'intéressent à leur expérience. Ils sont souvent déçus. "On nous aborde souvent comme si on revenait d'un voyage en Floride", illustre Paule Morin.

Vincent Morel confirme cette frustration mais il croit par ailleurs que plusieurs coopérants sont un peu trop centrés sur eux-mêmes au retour. "Ils pensent qu'ils sont les seuls à avoir vécu des expériences importantes. Ils doivent eux aussi être à l'écoute des autres", insiste-t-il.

Repartir

Ingrid et Michel Maeyens veulent maintenant prendre racine pour vrai au Québec et profiter de leurs pied-à-terre à Montréal et dans les Laurentides. Ce qui n'exclut pas, pour Michel, de fréquents allers-retours en avion. Depuis octobre 2002, moment de sa rentrée officielle au Québec, il a effectué trois déplacements vers la Chine et il était à la Baie-James au moment de l'entrevue.

Philippe Massé, lui, repart au Burkina Faso ce mois-ci pour un contrat de deux ans avec Oxfam-Québec, après avoir déposé un mémoire de maîtrise sur l'utilisation d'Internet par les organisations de développement de ce pays. Reviendra-t-il vivre au Québec? Tout ce qu'il espère actuellement, c'est de retourner en Afrique le plus souvent possible.

Paule Morin et Vincent Morel sont maintenant installés au Québec. Ils voyagent également fréquemment à l'étranger. Aucun des deux n'exclut repartir à nouveau.

Dans l'intervalle, Paule Morin estime qu'elle demeurera pour toujours profondément marquée par son expérience. "J'ai appris à être conséquente et tolérante. J'ai développé une ouverture d'esprit et une certaine patience qui donne une chance aux autres et qui me permet de vivre plus sereinement", conclut-elle.

mardi 13 janvier 2009

Un trou dans le CV

Douze mois d'absence du marché du l'emploi et du chômage... Aucun voyage exotique. Pas de grossesse. Aucune maladie physique...Faut-il justifier ou taire les raisons du décrochage?


La guérison en tête
Texte paru dans La Presse, 28 octobre 2006

La plupart des personnes qui ont connu des problèmes de santé mentale sont tiraillées lorsqu’elles cherchent à nouveau un emploi. Transparence ou discrétion ? Examen des conséquences des deux options.

Jacinthe Tremblay

L’organisme Accès-Cible SMT (pour santé mentale et travail) offre depuis 1988 des programmes de groupes d’aide à la réinsertion en emploi aux adultes vivant ou ayant vécu des problèmes de santé mentale. Tous ont un grand trou dans leur parcours professionnel. Un trou dont les causes sont, malheureusement, encore tabou.

Lors du démarrage de tout nouveau groupe, le même débat surgit parmi les participants. Certains préfèrent taire cet épisode en se retranchant derrière le droit au respect de la vie privé. D’autres souhaitent aborder franchement le sujet lors de l’entrevue d’embauche.

« Les participants sont répartis à peu près également entre ces deux options. Nous leur parlons des conséquences de chacune mais le choix leur appartient », explique Claude Charbonneau, directeur général d’Accès-Cible SMT.

Cet organisme a constaté que les personnes qui abordent ouvertement le sujet devant un employeur réceptif peuvent souvent compter sur son soutien et sa compréhension au moment de reprendre le collier. « Dans les faits, quelqu’un qui sort d’une période de dépression, d’épuisement ou d’hospitalisation, n’est pas immédiatement aussi performant qu’avant. L’employeur qui a été informé de cette situation en tiendra compte », explique M. Charbonneau.

Par ailleurs, ceux qui camouflent cette réalité risquent de se créer une pression inutile en ayant le sentiment de cacher une faute qui n’en est d’ailleurs pas une. « Nous leur conseillons d’être le plus transparents possible mais nous les invitons surtout à choisir l’option avec laquelle ils se sentent le plus confortable », résume M. Charbonneau.

Dans les deux cas, Accès-Cible leur rappelle qu’ils doivent être le plus honnêtes possible. Pas question de s’inventer un tour du monde, par exemple.

Se taire sans mentir

Grégory Delrue, auteur du livre Comment réussir son entrevue d’embauche, paru récemment aux Éditions Transcontinentales, comprend le dilemme de ces chercheurs d’emploi. « Des employeurs vont apprécier la transparence des personnes qui identifient les causes de leur temps d’arrêt. Par contre, certains concluront qu’ils ont devant eux une personne fragile qui risque de flancher à nouveau », dit-il.

Tout en rappelant que les chercheurs d’emploi ne sont pas obligés de dévoiler une telle information dans leur CV ou en entrevue, M. Delrue voit certains risques à se retrancher derrière le droit au respect de sa vie privée. « L’employeur voit un trou. Si cette absence du marché du travail n’est pas expliquée ou que la raison invoquée est vague, l’employeur va se dire qu’on lui cache quelque chose et il peut imaginer à peu près n’importe quoi », explique-t-il.

Certaines réalités du marché du travail peuvent venir en aide aux personnes qui préfèrent la discrétion. « Plusieurs personnes quittent des emplois en croyant qu’ils pourront rapidement se trouver du travail et se retrouvent dans en chômage pour de longues périodes. C’est la manière la plus simple d’expliquer un long retrait du marché du travail », estime M. Delrue.

Ce professionnel au sein de la firme de recrutement Kerosene conseille aux personnes qui abordent ouvertement leurs moments difficiles de mettre de l’avant leurs efforts pour s’en sortir et leur guérison.

Transformer l’arrêt en atout

« Si la personne désire revenir sur le marché du travail, c’est qu’elle est apte à occuper un emploi. C’est ce qu’elle doit faire valoir en entrevue », affirme Patricia St-Pierre, spécialiste en ressources humaines et en emploi et auteure de Entrevue d’emploi. Conseils, trucs et stratégies publié chez Septembre Éditeur.

« Les gens doivent être très positifs face à cette expérience. Ils ont pris en main leur guérison, ils sont rétablis et sont souvent en meilleure santé physique et mentale que des gens en emploi qui traînent la patte », ajoute-t-elle.

Mme St-Pierre déconseille toutefois de mentionner les raisons de ce trou dans le CV tout comme de faire connaître son diagnostic lors de l’entrevue. « Il faut se préparer à répondre brièvement aux questions sur un tel trou dans la carrière sans donner trop de détails », précise-t-elle.

Mme St-Pierre note enfin que les personnes qui, pendant leur convalescence, ont pris soin de maintenir certaines activités sociales ou intellectuelles, devraient en parler en entrevue. « Les employeurs sont de plus en plus conscients que la maladie mentale peut arriver à n’importe qui. Ils sont d’autant plus en mesure d’apprécier les gens qui l’ont surmonté en se prenant en main », dit-elle.

Les dilemmes des surqualifiés

Plus d'un diplômé universitaire sur quatre est susceptible d'occuper un emploi qui ne requiert que des études secondaires. Chez les immigrants, c'est un sur deux. Accepter ou refuser? Le dilemme est grand.


Instruits, expérimentés et sous-utilisés
paru dans La Presse, le 15 juillet 2006

Les dilemmes des universitaires sans boulot sont nombreux. Accepter ou refuser les petits boulots ? Garder le cap sur leur expertise ou élargir les recherches ? Retourner aux études et, dans le cas des immigrants, retourner au pays.

Jacinthe Tremblay


En août prochain, Mohammed Berhili et Nadia Mechita s’envoleront vers le Maroc avec leurs deux enfants. Peut-être pour de bon. Arrivées il y a cinq ans à Montréal, ils ont, depuis, cherché en vain des emplois qui correspondent à leur expérience et à leurs compétences.

Avant d’immigrer, Mohammed était directeur des ventes du Hilton de Rabat et Nadia était gestionnaire dans une grande entreprise de télécommunications. Ici, ils ont emprunté le parcours de nombreux immigrants instruits et expérimentés. Ils ont fait des petits boulots, pour se doter de cette expérience canadienne tant réclamée par les employeurs et gagner des sous.

Mohammed a complété avec succès une maîtrise en gestion spécialisée en tourisme, à l’Université du Québec ainsi qu’un certificat en anglais, pour acquérir ces diplômes canadiens tant réclamés par les employeurs.

Il a postulé à deux reprises, toujours en vain, dans tous les hôtels 4 et 5 étoiles de Montréal et des environs. Il a offert ses services pour des postes de cadre dans d’autres secteurs d’activités. Toujours rien. Il a même adopté son surnom, Simo, dans son CV, à la suggestion d’une conseillère en recrutement. Lorsqu’elle lui a recommandé d’y ajouter un N, pour devenir Simon, il a refusé. « Pas question ! Est-ce qu’on embauche les gens pour leur nom ou pour ce qu’ils sont ? », lance-t-il avec une colère contenue.

Toujours sans emploi, les Berhili-Mechina sont maintenant face à un autre dilemme : rester ou ailleurs voir ailleurs. Ils ont choisi cette deuxième option. « Ça suffit ! J’ai 36 ans. J’ai peur que mon expérience se dissipe avec le temps. Pour l’instant, mes études ont amélioré mon profil. Si je ne trouve rien, je creuserai un grand trou dans mon CV », explique M. Berhili.

Ils feront d’abord de la prospection pendant trois ou quatre mois au Maroc, qui vit actuellement un boom touristique. S’ils ne dénichent rien, ils reviendront au Canada, ailleurs qu’au Québec.
Si leurs démarches des dernières années portaient fruit ici dans les prochaines semaines, ils resteraient avec plaisir. « Nous avons choisi le Québec », rappellent-ils.

Ils se désolent du grand gaspillage de ressources par les entreprises. « Nous faisons pourtant partie des immigrants sélectionnés pour leurs compétences par le Canada », insistent-ils.

Un grand problème

Le couple marocain fait partie des 52% de nouveaux immigrants universitaires qui, selon une étude de Statistique Canada publiée en avril dernier, occupent pour des périodes plus ou moins longues des emplois qui ne nécessitent qu’un diplôme d’études secondaires dans les 10 années après leur arrivée au pays.

Chez les universitaires nés au Canada, la proportion est presque deux fois moindre, soit 28%. Statistique Canada attribue en partie la sous-utilisation des immigrants instruits par les difficultés de reconnaissance des diplômes et de l’expérience acquise à l’étranger. Elle est aussi le résultat de la discrimination.

Les origines étrangères n’expliquent pas tout. Selon Statistique Canada, les surqualifiés, toutes origines confondues, se retrouvent en plus grand nombre chez les diplômés en commerce (37%) ainsi qu’en arts, sciences humaines et sciences sociales (32%).

Que faire ?

La conseillère en gestion de carrière Nathalie Martin, présidente d’Enjeux Carrière, constate que les travailleurs instruits et possédant beaucoup d’expérience ont tendance à trop se faire valoir. « Ils peuvent faire peur aux employeurs. Ils ont intérêt à être modestes dans la façon de présenter leurs réalisations et à adapter leur CV en fonction des postes, quitte à ne pas tout mettre », conseille-t-elle.

Elle recommande également à ces personnes d’effectuer des recherches plus ciblées, dans leur domaine, et à développer des liens directs avec des responsables des entreprises qui les intéressent.

Elle convient toutefois que l’approche des petits boulots est parfois incontournable, particulièrement pour les immigrants. Dans ces cas, elle suggère d’occuper des postes à temps partiels ou avec des horaires variables qui leur laissent le temps de chercher ailleurs.

Lorsqu’ils appliquent sur des postes pour lesquels ils ont surqualifiés, Mme Martin conseille d’expliquer aux employeurs pourquoi ils sont dans cette situation. « Tout est dans l’art de la communication et de la négociation. Ceux qui ont passé sans succès des entrevues auraient intérêt à se pratiquer avec un coach qui connaît bien les recruteurs », dit-elle.

Adel Ghamallah, responsable du comité professionnel au Centre culturel algérien de Montréal, accompagne plusieurs universitaires d’origine maghrébine dans leurs recherches d’emploi. Il observe que la motivation, la persévérance, l’attitude positive et la patience sont de mises.

« Il faut en moyenne trois ans et souvent plus pour trouver un poste intéressant. Pour les employeurs, c’est la motivation et l’attitude qui fait la différence, beaucoup plus que les compétences », dit-il.

Travail autonome. Miser sur son nom ou une raison sociale?

Deux approches pour faire sa marque comme travailleur autonome
Paru dans La Presse, le 10 décembre 2005

Une carrière de travailleur autonome peut se développer en misant sur nom ou en adoptant une raison sociale. Enjeux des deux approches.

Jacinthe Tremblay

La plus récente édition du magazine français L’entreprise relate le parcours couronné de succès d’un travailleur autonome, Stephen Bunard. Lorsqu’il a démarré ses activités en solo, il y a sept ans, ce conseiller en communication est devenu L’agence Coach & Com. Il en est le propriétaire, président, directeur général et seul employé. « Ma marque me donne plus de visibilité et de légitimité que mon seul nom », explique-t-il.

Yves Williams, président de AgentSolo.com, observe que bon nombre de travailleurs autonomes et d’entreprises individuelles membres de cette agence virtuelle effectuent un choix similaire au Québec. Selon M. Williams, ces derniers se sentent plus à l’aise derrière le « nous corporatif ». « Ils estiment qu’il est plus facile de vendre ses services comme entreprise que comme individu. Ils se sentent plus confortables à vanter leur entreprise qu’à promouvoir leur personne », dit-il.

Nathalie Lachance, conceptrice de sites Web et vice-présidente exécutif de Affaires et développement québécois, constate la même tendance chez les membres de cette association de travailleurs autonomes. Elle même a choisi de s’incorporer sous la raison sociale Natmark-concept, il y a huit ans.

« Mon nom ne voulait rien dire. Ma raison sociale devenait un indicateur de mes activités. En plus, je ne voulais pas donner l’impression d’être seule dans ma cave. Une raison sociale peut nous grossir aux yeux de nos clients. Certains d’entre eux ont mis plusieurs années avant de réaliser que j’étais seule chez Natmark-concept », raconte-t-elle.

Chez AgentSolo.com, certaines offres de service créent l’impression qu’un groupe important est derrière la proposition. « Certains clients veulent vraiment confier le travail à des individus. Si le « nous » est trop gros, il peut nuire », prévient Yves Williams.

Pas de règle absolue.

Sylvie Laferté est professeur en marketing et management à la Téluq et co-auteure, avec Gilles Saint-Pierre, du livre Profession : travailleur autonome publié aux Éditions Transcontinentales.
Elle ne croit pas qu’il y ait, dans l’absolu, une meilleure option. « Quand quelqu’un est bien connu, il est préférable qu’il garde son nom. Pour quelqu’un qui débute, il peut être intéressant d’avoir une raison sociale qui accroche pour aller chercher de la notoriété », dit-elle. « Pour certains clients, un nom d’entreprise et une incorporation sont des signaux du sérieux. Par contre, la gestion d’une marque est très exigeante », ajoute-t-elle.

Jean-Pierre Lauzier, conférencier, formateur et coach d’affaires croit que l’option de faire connaître son propre nom s’impose lorsque le travailleur prend toute la place dans ce que l’on achète, lorsqu’il y a unicité entre la personne et son produit.

C’est le cas, par exemple, pour les conférenciers, les journalistes indépendants et les artistes.

Par contre, M. Lauzier recommande le choix d’une raison sociale harmonisée avec ses activités lorsque le nom de la personne ne peut devenir une marque de commerce. « Un individu qui vend ses services de traduction sous son nom révèle qu’il travaille seul. S’il devient ABC traduction, il laisse supposer qu’il dispose de plus de ressources. Il pourra peut-être obtenir de meilleurs tarifs », dit-il.

Selon M. Lauzier, le meilleur choix est celui qui permettra le mieux d’aller chercher de la clientèle.

Témoignages

Depuis 10 ans, le designer graphique François Morin est Frankoy.com. « J’ai un nom très commun à Montréal. Il y a au moins deux François Morin par profession. J’ai pris nom surnom, Frankoy. Il m’a aussi permis de dénicher une adresse Internet courte, qui se termine par .com », dit-il.

Le concepteur de sites web Thierry Gagnon est aussi Thierry.Gagnon.com. « Je suis travailleur autonome à temps partiel. J’ai décidé de ne pas investir dans une raison sociale. Je le ferais sans doute si j’étais à temps plein, pour donner une plus forte impression de professionnalisme », dit-il.

Marie-Renée Buckowski, une assistante administrative, est Marie-Renée, assistance virtuelle. Elle veut piquer la curiosité et faire tomber, pour ses clients, la barrière de prononciation de son nom de famille d’origine polonaise.

L’entreprise du réalisateur Jean-Marie Bioteau s’appelle 12 Zoulou. « Mes compétences m’ont plus servi que ma raison sociale. Quand on est travailleur autonome, les gens retiennent plus le nom de l’individu. Ces noms d’entreprises apparaissent au passage d’une facture, après on les oublie », dit-il.

Robert Girard, de Québec, Le rédacteur privé, a fait l’essai de cette raison sociale. « Je me disais que c’était plus accrocheur. Mais c’est avec mon nom que j’ai obtenu mes contrats », dit-il.

Raison sociale ou pas, c’est avec leur nom que les travailleurs autonomes font leur renom.

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La carrière : hasard ou stratégie ?


Plusieurs personnes pensent que le hasard a joué un rôle déterminant dans le développement de leur vie professionnelle. Les plans de carrière seraient-ils devenus obsolètes ? La réponse varie selon les environnements de travail.


Place aux projets de carrière
Texte paru dans La Presse, 8 avril 2006.

Dans un marché du travail en mouvance, les plans de carrière traditionnels sont souvent taillés en pièce ou bousculés par des imprévus. Désormais, il faut envisager autrement le contrôle de sa vie professionnelle.

Jacinthe Tremblay


Les 1000 employés et cadres mis à pied par CGI avaient-ils un plan de carrière ? Et les cuisiniers de l’Auberge Hatley ? Si oui, ils ont dû rapidement les revoir. À chaque jour, des décisions économiques, des rencontres ou des événements imprévus viennent bouleverser nos trajectoires professionnelles.

C’est parfois pour le pire. C’est parfois pour le meilleur, comme ce fut le cas pour Stéphane Rousseau lorsque le producteur de cinéma Thomas Langmann a pensé à offrir un rôle dans le prochain Astérix en voyant sa tête sur une Colonne Morris, à Paris.

Là encore, un concours de circonstances inattendu – le hasard -, a joué un rôle déterminant dans la carrière de l’humoriste. Quel est la part de hasard et de stratégies dans le développement professionnel des individus ?

Une étude menée par le Centre de recherche et d’intervention sur l’éducation et la vie au travail (CRIEVAT) de la Faculté des sciences de l’éducation de l’Université Laval http://www.crievat.fse.ulaval.ca/, apporte un éclairage intéressant sur la question. Entre 1994 et 2000, les chercheurs ont mené des entrevues à intervalle régulier avec des jeunes issus de programmes d’études secondaire, collégial ou universitaire menant au marché du travail, afin de mieux connaître leurs modes d’insertion et leurs trajectoires professionnels.

Quatre ans après l’obtention de leur diplôme, 35 % des quelque 150 jeunes interrogés par les chercheurs attribuaient à la chance et au hasard une place déterminante dans le succès de leur insertion professionnelle. Un autre groupe important, soit 34% des participants, identifiaient la combinaison de leurs efforts personnels et des bonnes opportunités à saisir comme étant la cause de leur insertion.

« Ces résultats reflètent la perception des jeunes. Ceux qui nous ont parlé de chance et de hasard faisaient souvent référence à leurs contacts et à leurs réseaux. Ils considéraient comme une chance ou un hasard le fait, par exemple, d’avoir eu un tuyau pour un emploi par un oncle », précise Geneviève Fournier, responsable de l’étude et chercheur régulière au CRIEVAT.

Par ailleurs, 25 % des jeunes attribuaient leur insertion à leurs compétences professionnelles et personnelles alors que seulement 6% la liaient à leurs efforts personnels. « Aujourd’hui, un très grand nombre de travailleurs doivent faire face à de nombreuses transitions, parfois prévisibles, souvent imprévisibles. Dans un tel contexte, le plan de carrière traditionnel, celui dont l’on connaît les tenants et aboutissants dans le temps, devrait être remplacé. Je pense qu’il faut de plus en plus formuler des projets de carrière et y inclure des zones de flexibilité », dit Mme Fournier.

La chercheure du CRIEVAT déplore toutefois que les travailleurs soient souvent les seuls à supporter le poids de cette flexibilité et de l’incertitude des marchés. Elle croit de plus qu’il ne faut pas balayer du revers les plans de carrière traditionnels. « Ils demeurent des outils intéressants dans certains environnements comme la grande entreprise ou la fonction publique », dit-elle.

Très 20e siècle

Catherine Saint-Sauveur, étudiante au doctorat en psychologie et stagiaire chez Dolmen Capital humain, est également frappée par les limites des plans de carrière traditionnels face aux nouvelles réalités du travail.

« La plupart des programmes de développement de carrière ont été conçus à l’époque où la vie professionnelle prenait des allures d’une colline : ascension vers le sommet, puis, descente douce vers la retraite. Ces programmes sont basés sur une séquence hiérarchique et temporelle qui s’accompagne de tâches à effectuer. Or, on ne peut plus prévoir le développement d’une carrière de cette manière », dit-elle.

Selon Mme Saint-Sauveur, le développement de carrière doit être vu comme un processus dynamique et continu, jamais totalement fini. « Il faut être constamment en éveil à d’autres options, tout le temps et être conscients que des stimuli extérieurs peuvent tout remettre en question », ajoute-t-elle.

« La planification de carrière fait très 20e siècle », résume avec un brin d’ironie son superviseur de stage Pascal Savard, psychologue organisationnel, CHRA et vice-président de Dolmen Capital humain. « Il faut maintenant développer son employabilité et ses capacités d’adaptation plutôt que de suivre un cheminement de carrière immuable », conseille-t-il.

lundi 12 janvier 2009

De quelques versions de notes biographiques : Jacinthe Tremblay... aspirante poète

Notes biographiques accompagnant un texte soumis au concours de poésie du Fête des Chants de Marins de Saint-Jean-Port-Joli, au Québec.
***

Jacinthe Tremblay a grandi au bord du Lac Matapédia, à Sayabec. Elle a étudié à Rimouski et passé de longues heures sur son quai. Elle a habité à Sorel, près du fleuve et vit maintenant sur l’île de Montréal. Elle est une femme d’eau, de montagnes et de mots.

Elle gagne depuis toujours sa vie avec des textes. Économiques, politiques, sportifs, sociaux et culturels. Mais rarement poétiques. Sauf à l’adolescence, alors qu’elle a été trois fois lauréate provinciale du concours de la chanson 4-H. Elle avait compris que le nombre restreint de candidats augmenterait ses chances de gagner le voyage gratuit en train à Montréal qui venait avec la bourse! On lui a également décerné quelques prix de journalisme.

Février 2002

PS. Mon poème, La mère, a gagné le troisième prix de ce concours. Il a été publié dans le recueil Les mots à la dérive, La Fête des chants marin, Saint-Jean-Port-Joli, 2008.

Le voici :

La mère


Elle ne dansait jamais, la mère. Mais elle venait, parfois, s’asseoir au bout du quai.
Il n’y avait pas de banc, au bout du quai.
Juste l’illusion d’un espace, d’un repère, pour regarder.
Elle s’imaginait un banc. Mais il n’y avait pas de banc.

Juste la mer à regarder. Debout.

Bleue, verte, grise, turquoise, brune même. Parfois.

Les jours de vents roses, elle voyait un autre monde.
Tout près et si loin. Rond et creux. Bleu, vert ou gris. Ou invisible.
Dans la brume, dans le vent brun.
Il n’y avait rien. Ou il y avait le bout du monde. La fin du monde d’un monde infini.



Elle ne dansait jamais la mère, mais la mer la faisait rêver.

Rêveuse, la mère.

Une mer de rêve.

Un rêve de mère.



Sur son banc, elle voyait un bout de bois dansant sur la mer.
Elle imaginait un bout de banc. Mais il n’y avait pas de banc.
Juste l’illusion d’un banc sculpté par sa danse sur la mer.

A-t-il voyagé longtemps? Loin? Entre les deux côtés de l’infini? se demandait la mère.
De Moscou à Rimouski? Du Mississipi à Kamouraska? De Port-au-Persil à l’Anse-Pleureuse?

Qu’importe.

Un bout de banc était venu danser devant la mère.
Il avait voyagé pour venir danser devant son quai.




Encore et encore, la mère suit du regard et du cœur le bleu, le vert, le gris, le turquoise et même, le brun de la mer. Pour voyager.

Et elle voyage. Depuis son banc, qui n’est qu’un rêve de banc, elle se fonde à l’infini.



La mère ne danse pas. Elle rêve. Se marie au parcours de la mer.

Voyage-t-elle en face? Vers des ronds et des creux? Parfois.

Derrière, plus haut, vers le Sud? Jamais.

La mer n’a pas de regrets. Elle va devant.

Devant. Plus loin. Toujours.

Comme cette mère qui n’a pas de banc.

Et qui regarde la mer. Debout.



Jacinthe Tremblay
9 juillet 2001