Deux approches pour faire sa marque comme travailleur autonome
Paru dans La Presse, le 10 décembre 2005
Une carrière de travailleur autonome peut se développer en misant sur nom ou en adoptant une raison sociale. Enjeux des deux approches.
Jacinthe Tremblay
La plus récente édition du magazine français L’entreprise relate le parcours couronné de succès d’un travailleur autonome, Stephen Bunard. Lorsqu’il a démarré ses activités en solo, il y a sept ans, ce conseiller en communication est devenu L’agence Coach & Com. Il en est le propriétaire, président, directeur général et seul employé. « Ma marque me donne plus de visibilité et de légitimité que mon seul nom », explique-t-il.
Yves Williams, président de AgentSolo.com, observe que bon nombre de travailleurs autonomes et d’entreprises individuelles membres de cette agence virtuelle effectuent un choix similaire au Québec. Selon M. Williams, ces derniers se sentent plus à l’aise derrière le « nous corporatif ». « Ils estiment qu’il est plus facile de vendre ses services comme entreprise que comme individu. Ils se sentent plus confortables à vanter leur entreprise qu’à promouvoir leur personne », dit-il.
Nathalie Lachance, conceptrice de sites Web et vice-présidente exécutif de Affaires et développement québécois, constate la même tendance chez les membres de cette association de travailleurs autonomes. Elle même a choisi de s’incorporer sous la raison sociale Natmark-concept, il y a huit ans.
« Mon nom ne voulait rien dire. Ma raison sociale devenait un indicateur de mes activités. En plus, je ne voulais pas donner l’impression d’être seule dans ma cave. Une raison sociale peut nous grossir aux yeux de nos clients. Certains d’entre eux ont mis plusieurs années avant de réaliser que j’étais seule chez Natmark-concept », raconte-t-elle.
Chez AgentSolo.com, certaines offres de service créent l’impression qu’un groupe important est derrière la proposition. « Certains clients veulent vraiment confier le travail à des individus. Si le « nous » est trop gros, il peut nuire », prévient Yves Williams.
Pas de règle absolue.
Sylvie Laferté est professeur en marketing et management à la Téluq et co-auteure, avec Gilles Saint-Pierre, du livre Profession : travailleur autonome publié aux Éditions Transcontinentales.
Elle ne croit pas qu’il y ait, dans l’absolu, une meilleure option. « Quand quelqu’un est bien connu, il est préférable qu’il garde son nom. Pour quelqu’un qui débute, il peut être intéressant d’avoir une raison sociale qui accroche pour aller chercher de la notoriété », dit-elle. « Pour certains clients, un nom d’entreprise et une incorporation sont des signaux du sérieux. Par contre, la gestion d’une marque est très exigeante », ajoute-t-elle.
Jean-Pierre Lauzier, conférencier, formateur et coach d’affaires croit que l’option de faire connaître son propre nom s’impose lorsque le travailleur prend toute la place dans ce que l’on achète, lorsqu’il y a unicité entre la personne et son produit.
C’est le cas, par exemple, pour les conférenciers, les journalistes indépendants et les artistes.
Par contre, M. Lauzier recommande le choix d’une raison sociale harmonisée avec ses activités lorsque le nom de la personne ne peut devenir une marque de commerce. « Un individu qui vend ses services de traduction sous son nom révèle qu’il travaille seul. S’il devient ABC traduction, il laisse supposer qu’il dispose de plus de ressources. Il pourra peut-être obtenir de meilleurs tarifs », dit-il.
Selon M. Lauzier, le meilleur choix est celui qui permettra le mieux d’aller chercher de la clientèle.
Témoignages
Depuis 10 ans, le designer graphique François Morin est Frankoy.com. « J’ai un nom très commun à Montréal. Il y a au moins deux François Morin par profession. J’ai pris nom surnom, Frankoy. Il m’a aussi permis de dénicher une adresse Internet courte, qui se termine par .com », dit-il.
Le concepteur de sites web Thierry Gagnon est aussi Thierry.Gagnon.com. « Je suis travailleur autonome à temps partiel. J’ai décidé de ne pas investir dans une raison sociale. Je le ferais sans doute si j’étais à temps plein, pour donner une plus forte impression de professionnalisme », dit-il.
Marie-Renée Buckowski, une assistante administrative, est Marie-Renée, assistance virtuelle. Elle veut piquer la curiosité et faire tomber, pour ses clients, la barrière de prononciation de son nom de famille d’origine polonaise.
L’entreprise du réalisateur Jean-Marie Bioteau s’appelle 12 Zoulou. « Mes compétences m’ont plus servi que ma raison sociale. Quand on est travailleur autonome, les gens retiennent plus le nom de l’individu. Ces noms d’entreprises apparaissent au passage d’une facture, après on les oublie », dit-il.
Robert Girard, de Québec, Le rédacteur privé, a fait l’essai de cette raison sociale. « Je me disais que c’était plus accrocheur. Mais c’est avec mon nom que j’ai obtenu mes contrats », dit-il.
Raison sociale ou pas, c’est avec leur nom que les travailleurs autonomes font leur renom.
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