mardi 13 janvier 2009

La carrière : hasard ou stratégie ?


Plusieurs personnes pensent que le hasard a joué un rôle déterminant dans le développement de leur vie professionnelle. Les plans de carrière seraient-ils devenus obsolètes ? La réponse varie selon les environnements de travail.


Place aux projets de carrière
Texte paru dans La Presse, 8 avril 2006.

Dans un marché du travail en mouvance, les plans de carrière traditionnels sont souvent taillés en pièce ou bousculés par des imprévus. Désormais, il faut envisager autrement le contrôle de sa vie professionnelle.

Jacinthe Tremblay


Les 1000 employés et cadres mis à pied par CGI avaient-ils un plan de carrière ? Et les cuisiniers de l’Auberge Hatley ? Si oui, ils ont dû rapidement les revoir. À chaque jour, des décisions économiques, des rencontres ou des événements imprévus viennent bouleverser nos trajectoires professionnelles.

C’est parfois pour le pire. C’est parfois pour le meilleur, comme ce fut le cas pour Stéphane Rousseau lorsque le producteur de cinéma Thomas Langmann a pensé à offrir un rôle dans le prochain Astérix en voyant sa tête sur une Colonne Morris, à Paris.

Là encore, un concours de circonstances inattendu – le hasard -, a joué un rôle déterminant dans la carrière de l’humoriste. Quel est la part de hasard et de stratégies dans le développement professionnel des individus ?

Une étude menée par le Centre de recherche et d’intervention sur l’éducation et la vie au travail (CRIEVAT) de la Faculté des sciences de l’éducation de l’Université Laval http://www.crievat.fse.ulaval.ca/, apporte un éclairage intéressant sur la question. Entre 1994 et 2000, les chercheurs ont mené des entrevues à intervalle régulier avec des jeunes issus de programmes d’études secondaire, collégial ou universitaire menant au marché du travail, afin de mieux connaître leurs modes d’insertion et leurs trajectoires professionnels.

Quatre ans après l’obtention de leur diplôme, 35 % des quelque 150 jeunes interrogés par les chercheurs attribuaient à la chance et au hasard une place déterminante dans le succès de leur insertion professionnelle. Un autre groupe important, soit 34% des participants, identifiaient la combinaison de leurs efforts personnels et des bonnes opportunités à saisir comme étant la cause de leur insertion.

« Ces résultats reflètent la perception des jeunes. Ceux qui nous ont parlé de chance et de hasard faisaient souvent référence à leurs contacts et à leurs réseaux. Ils considéraient comme une chance ou un hasard le fait, par exemple, d’avoir eu un tuyau pour un emploi par un oncle », précise Geneviève Fournier, responsable de l’étude et chercheur régulière au CRIEVAT.

Par ailleurs, 25 % des jeunes attribuaient leur insertion à leurs compétences professionnelles et personnelles alors que seulement 6% la liaient à leurs efforts personnels. « Aujourd’hui, un très grand nombre de travailleurs doivent faire face à de nombreuses transitions, parfois prévisibles, souvent imprévisibles. Dans un tel contexte, le plan de carrière traditionnel, celui dont l’on connaît les tenants et aboutissants dans le temps, devrait être remplacé. Je pense qu’il faut de plus en plus formuler des projets de carrière et y inclure des zones de flexibilité », dit Mme Fournier.

La chercheure du CRIEVAT déplore toutefois que les travailleurs soient souvent les seuls à supporter le poids de cette flexibilité et de l’incertitude des marchés. Elle croit de plus qu’il ne faut pas balayer du revers les plans de carrière traditionnels. « Ils demeurent des outils intéressants dans certains environnements comme la grande entreprise ou la fonction publique », dit-elle.

Très 20e siècle

Catherine Saint-Sauveur, étudiante au doctorat en psychologie et stagiaire chez Dolmen Capital humain, est également frappée par les limites des plans de carrière traditionnels face aux nouvelles réalités du travail.

« La plupart des programmes de développement de carrière ont été conçus à l’époque où la vie professionnelle prenait des allures d’une colline : ascension vers le sommet, puis, descente douce vers la retraite. Ces programmes sont basés sur une séquence hiérarchique et temporelle qui s’accompagne de tâches à effectuer. Or, on ne peut plus prévoir le développement d’une carrière de cette manière », dit-elle.

Selon Mme Saint-Sauveur, le développement de carrière doit être vu comme un processus dynamique et continu, jamais totalement fini. « Il faut être constamment en éveil à d’autres options, tout le temps et être conscients que des stimuli extérieurs peuvent tout remettre en question », ajoute-t-elle.

« La planification de carrière fait très 20e siècle », résume avec un brin d’ironie son superviseur de stage Pascal Savard, psychologue organisationnel, CHRA et vice-président de Dolmen Capital humain. « Il faut maintenant développer son employabilité et ses capacités d’adaptation plutôt que de suivre un cheminement de carrière immuable », conseille-t-il.

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